D'abord c'était le noir complet, le vide. Rien. Il n'y avait rien. Puis des flashs commencèrent à apparaître : des sensations, du bruit, un goût âpre dans la bouche. Suivirent les souvenirs, les images du Hall du Ministère, de l'attaque, de Bellatrix qui pointait sa baguette vers elle. Finalement, l'opacité qui entourait Abigail s'estompa lentement, et la jeune femme reprit conscience par une fin d'après-midi pluvieuse, après être restée dans le coma pendant 5 jours.

Les paupières de la sorcière s'ouvrirent lentement, la lumière pourtant faible l'éblouissait après tant de temps passé dans l'obscurité, et ses oreilles lui donnaient l'impression d'être remplies de coton. Les formes qui l'entouraient se précisèrent et la première chose qu'elle vit fut un visage connu.

- Martin..., articula-t-elle faiblement.

Sa voix ressemblait à un râle enroué, loin du timbre onctueux qu'on lui connaissait. Elle bougea légèrement, ce qui provoqua aussitôt des décharges de douleurs dans toutes ses terminaisons nerveuses. Tout son corps lui faisait mal et elle avait la même sensation que si elle s'était faite rouler dessus par le Poudlard Express.
Ses yeux discernant enfin le monde qui l'entourait, ils parcoururent le décor d'une chambre qui lui était totalement inconnue. Elle tenta de rassembler ses pensées pour comprendre où elle se trouvait, mais la dernière chose qu'elle se rappelait, c'était de s'être évanouie dans le bureau de Bennet. Qu'est-ce qu'elle faisait là-bas ?

Malgré la présence rassurante de son ami, Abigail commença à sentir l'angoisse monter en se remémorant un peu plus clairement les événements qu'elle pensait dater du matin même. Sa respiration s'accéléra légèrement, lui tirant un gémissement de douleur, chaque soulèvement de sa cage thoracique équivalant à un coup de poignard.

- De l'eau...soif...

La gorge totalement asséchée, la jeune femme avait l'impression de s'en arracher des lambeaux en essayant de parler.

Complètement désorientée, Abigail était dans un sale état.

Depuis la bataille qui avait opposé les mangemorts aux aurors, plus rien n'était comme avant. Heureusement, Martin avait eu la présence d'esprit de prendre les bonnes décisions, même s'il avait prit de gros risques pour ça.

Aby était dans un profond coma depuis quelques jours maintenant. Cela faisait exactement cinq jours que Martin veillait sur elle et ne mangeait ni ne dormait beaucoup. Il faut dire que son niveau d'inquiétude était particulièrement accru.

Depuis qu'ils étaient arrivés au QG de l'ordre... Calum n'était pas réapparu. Et c'était le seul.

Comme tous les jours, Martin veillait sur Aby. Il était venu changer les fleurs qui se trouvaient dans un vase à côté de son lit. Il avait déposé de grandes roses jaunes qui avaient une couleur douce et dont l'odeur restait très légère et ne venait pas causer des mal de crâne intempestifs, comme des lys ou du lilas par exemple. Mais ça, c'était le côté un peu maniaque de Martin, il se perdait parfois dans les détails.

Soudain, alors qu'il terminait de disposer le bouquet, il entendit Aby bouger à côté d'elle. Il se retourna alors vers elle et enfin, ce qu'il espérait depuis des jours se produit, elle ouvrit les yeux.

Alors qu'elle disait son nom, il esquissa un sourire. Il ne fallait pas qu'il pleure. Il ne fallait SURTOUT PAS qu'il pleure ! Elle lui dit alors qu'elle avait soif. Sortant sa baguette de sa poche, il fit léviter un verre et une carafe jusqu'à lui. Servant un verre, il prit doucement la tête d'Aby et la souleva de manière à ce qu'elle puisse boire. Une fois qu'il l'eut aidé à s'hydrater, il lui murmura.

Prends ton temps, Aby... Il faut que tu te reposes.

L'eau coulant le long de sa gorge commença par lui donner l'impression de la brûler, puis elle lui fit du bien. Abigail but doucement, soutenue par Martin dont le contact et la douceur de la voix aidaient à baisser son niveau de panique.
Lorsqu'elle eut fini de s'hydrater, elle tenta de se redresser légèrement sur ses coussins, mais la douleur dans son épaule fut tellement violente qu'elle n'y parvint pas.
Martin lui murmurait de se reposer, et elle en mourrait d'envie...mais trop de questions venaient s'entrechoquer dans son esprit pour qu'elle puisse simplement se recoucher et dormir.

- On est où ? Qui m'a soignée ?

La jeune femme regardait son meilleur ami d'un air désespéré, en quête de réponses et d'éclaircissement. Il avait beau chercher à la tranquilliser, quelque chose clochait.

- Nos têtes mises à prix...le Ministère...je me suis évanouie...je me souviens du bureau de Bennet, la douleur atroce. Puis, plus rien.

La diplomate - ou ex-diplomate en l'occurrence, étant donné la perte de son statut - prit une longue respiration, tenant de calmer son agitation interne pour ne pas trop réveiller les douleurs. Elle haïssait ce sentiment d'impuissance qui l'assaillit soudainement, malheureusement son corps refusait de répondre aux ordre de son cerveau dès qu'elle essaye de faire le moindre mouvement.

- C'est le noir dans ma tête...je me rappelle de Bellatrix Lestrange, du Doloris, de la grille, de C...

Les images défilaient presque devant ses yeux, avec sons, couleurs, odeurs...et soudain, elle réalisa !

- Où est Cal ?

C'était la dernière chose qui lui revenait de la bataille, son mari passant ses doigts sur sa joue et son injonction de ne pas mourir. Il aurait dû être là, en cet instant, près d'elle à son réveil.
Une angoisse soudaine saisit le coeur de l'Irlandaise, angoisse qui se traduisit dans le geste qu'elle eut d'attraper la main de Martin.

- Il est ici lui aussi, n'est-ce pas ?

Lorsqu'Aby serra sa main, rongée par l'inquiétude, il regarda cette main blanche et encore fragile et eut beaucoup de mal à contenir son émotion. Instinctivement, Martin caressait doucement les cheveux d'Aby. Ses grands yeux bleus avaient l'air particulièrement triste et il n'y pouvait malheureusement pas grand chose. Bien entendu, Abigail l'assaillit de questions et l'auror aurait préféré ne pas avoir à y répondre, ou du moins pas tout de suite. Il pensait qu'elle était beaucoup trop faible pour apprendre autant de choses d'un coup.

La voix de l'auror se voulait calme et réconfortante, pourtant les trémolos qu'il produisait en disaient plus long encore que ses mots. Il se doutait qu'elle allait parler de Cal. De qui d'autre, après tout...? Mais il voulait avant tout la rassurer sur leur conditions à eux. Il valait mieux commencer par les bonnes nouvelles.

Chhhhh.... Aby... Il faut que tu restes au calme... Il faut que tu reprennes des forces, c'est tout ce qui compte... Ne t'en fais pas, on est à l'abri. On est au QG de l'Ordre du Phénix. C'est l'ancienne maison des Dumbledore, le professeur l'a mise à notre disposition, il l'a agrandie par magie et a utilisé tous les sorts possibles et imaginables pour la protéger. On ne risque plus rien ici.

Martin marqua une courte pause. Fermant les yeux pour ne surtout pas pleurer, il continua de caresser les cheveux d'Aby, toujours avec une extrême douceur. Sa voix se voulait de plus en plus tremblante car il se savait à court de bonnes nouvelles.

On a transplané, toi et moi, chez Tom Bennet, qui est aussi un membre de l'Ordre. Il t'a sauvé la vie, et Dumbledore a terminé de te soigner. Cela fait cinq jours maintenant que tu es dans le coma, mais si tu es capable de parler, c'est plutôt bon signe... Quant à Calum...

Serrant la main de Aby un peu plus fort dans la sienne, comme pour lui donner du courage, il dit, dans un souffle coupé par ce besoin qu'il avait de retenir ses larmes.

Il n'est toujours pas revenu... Aby, je suis désolé...

La réalité de la situation commençait à assaillir Abigail, accompagnée par un mal de crâne violent. Martin lui faisait un compte-rendu épuré des événements, et il avait beau essayer de la réconforter en caressant doucement ses cheveux, sa voix trahissait qu'il ne lui disait pas tout. Que cachait-il ? Que pouvait-il y avoir de pire que le fait qu'ils aient été attaqués et soient recherchés ?

La jeune femme était tellement submergée d'inquiétudes qu'elle ne s'étonna même pas d'apprendre que Thomas faisait partie de l'ordre, ni même à se sentir reconnaissante qu'il lui ait sauvé la vie. En revanche elle nota le fait qu'elle avait passé bien plus de temps inconsciente qu'elle ne l'avait crû.

- Cinq jours ?! C'est comme si cela s'était passé ce matin...

Elle grimaça à nouveau en portant sa main à son épaule blessée. Celle-ci se soignait, mais lentement. La plaie ouverte par la grille avait due être aggravée par quelque chose pendant qu'elle était dans les choux.
Mais alors qu'elle s'enquit de la présence de Calum, persuadée qu'il devait être quelque part dans cette maison inconnue et ne comprenant pas que Martin ne se soit pas précipité pour l'avertir que sa femme était revenue à elle...le regard de son ami s'embua de larmes, et il lui serra plus fortement la main.

- Il n'est toujours pas revenu... Aby, je suis désolé...

Toutes pensées se figèrent, la jeune femme cessa de respirer un instant. Elle regardait Martin, les yeux grand ouvert et muette de stupeur. Puis, son cerveau analysa ce que pouvait vouloir dire une telle phrase.

- Il est...il...que veux-tu dire ? Où est-il ? OÙ EST-IL ? Je veux le voir !

Les émotions d'Abigail s'emballaient dans son cœur, et elle refusait d'accepter l'impensable. Non. NON ! Tant qu'on ne l'aurait pas menée devant son cadavre, elle refusait d'imaginer qu'il soit mort.
Alors qu'ils avaient passé les dernières années à se mépriser, à s'éviter et à se disputer à chaque occasion...elle réalisait en cet instant qu'elle n'avait cependant jamais imaginé qu'il ne soit plus là, à ses côtés.

Martin ne savait plus comment il pouvait contenir son émotion. Il avait beau essayer de rassurer Aby, il ne savait pas quoi faire de plus pour qu'elle se calme.

Aby... Aby, essayes de rester tranquille, je sais que c'est difficile mais... Mais il a pu transplaner dans un endroit qui lui était inconnu et... Et il a du mal à revenir... Ne t'en fais pas, Aby, tout le monde est mobilisé pour le retrouver, même Dumbledore est parti le chercher...

Il essayait de rester positif, même si il avait du mal à se convaincre lui-même. Ses grands yeux bleus légèrement rosis, il tenta de rassurer une dernière fois Aby, mais c'était sa dernière carte.

Et puis... Il n'est pas sur les listes des victimes de la bataille, et crois moi que les mangemorts se seraient fait un plaisir de revendiquer son assassinat, pour nous porter un gros coup au moral. Mais ce n'est pas le cas, Aby, je suis sûr qu'on va bientôt le retrouver...

Il finissait presque à se convaincre lui-même. Oui, il en était sûr, ils allaient le retrouver, c'était certain.

Mais pour l'instant, il faut vraiment que tu te reposes, d'accord ? C'est important, tu es encore très faible. Je sais que je te demande l'impossible, mais je te tiendrais au courant à chaque fois que j'aurai des nouvelles, d'accord ? Mais s'il te plait, reste calme. Pour moi...

Martin savait parfois se montrer convainquant et autoritaire, sans que ce soit forcément volontaire.... Mais il n'avait plus le choix, il était déjà inquiet pour Calum, il aimerait ne plus l'être pour Aby...