Calum avait fait une rencontre qui l’avait bouleversé bien plus qu’il ne l’aurait cru. Il repensait souvent à Rayane et à son histoire de cœur insignifiante, mais aussi à la manière dont cela l’avait affectée. Il ne se laissait pas envahir par ce genre d’état d’âme d’habitude mais cette fois c’était différent. Sans doute aussi parce que la jeune femme avait été la première à se préoccuper de lui depuis longtemps et qu’elle avait cherché à l’aider sincèrement. Il lui avait ouvert son cœur aussi … Un peu, pas trop non plus, dans la mesure de ses capacités diront-nous.

Pour l’heure, alors que ses pensées étaient tournées vers la demoiselle, il avait décidé de lever le pied et de rentrer chez lui. Fatigué. Il était même éreinté et c’est ce qui motivait son retour au bercail alors qu’il n’y avait pas mis les pieds depuis quatre jours et trois nuits. Le soir était tombé et il entra sans prendre la peine d’allumer la lumière, une sale habitude qu’il avait prise parce qu’il connaissait les lieux par cœur. En même temps, depuis 10 ans hein …

Mais ses pieds butèrent dans une énorme valise posée en travers du passage. L’auror poussa un juron en gaélique en massant ses orteils endoloris. C’était comme ça à chaque fois ! Ses pieds savaient avant sa tête qu’elle était rentrée, quand il ne s’étalait pas comme une loque humaine dans son couloir.
Il frappa des mains et les chandelles s’allumèrent.

Cela faisait 3 semaines qu’il ne l’avait pas vue et il aurait dû être content de la voir et il l’était ! Mais il ne se rua pas dans ses bras pour autant, pas comme au début où elle n’avait même pas le temps de poser ses sacs sur le sol qu’il la dévorait de baisers pour rattraper le temps perdu.

Elle était au salon à travailler, il l’interpela de loin tandis qu’il enlevait son manteau.

« C’était bien Tombouctou ? » demanda-t-il à sa diplomate de femme.

Les voyages d'affaires, bien que passionnants, étaient aussi éreintants. Abigail adorait faire ses bagages pour quitter la capitale anglaise et respirer l'air d'autres contrées, mais elle avait une sainte horreur du déballage du retour. Particulièrement lorsque sa valise avait dû transporter les affaires d'une semaine ! Aussi, comme d'habitude, elle l'avait laissée dans l'entrée, repoussant le moment de la monter dans sa chambre. De toute manière, ce n'était pas comme si elle allait déranger quelqu'un, étant donné qu'elle était presque devenue la seule à occuper les lieux.

La jeune femme s'était donc confortablement installée dans son canapé, vêtue d'un pyjama gris perle en soie, plusieurs dossiers sur les genoux, afin de revoir le travail qu'elle avait accompli lors de cette énième mission diplomatique dont elle venait de rentrer.
Corrigeant à la plume quelques lignes qui lui semblaient manquer de clarté, elle fut tirée de sa concentration par le bruit des clés dans la serrure, suivi d'un autre plus sourd et d'un juron qu'elle connaissait bien. La belle blonde leva les yeux ciel, déjà exaspérée alors qu'il n'était pas encore dans la même pièce qu'elle. Glissant la main dans sa poche, elle en retira son alliance qu'elle enfila rapidement à son annulaire.

- Très bien., répondit-elle à voix haute pour qu'il l'entende depuis l'entrée.

Abigail n'aimant pas spécialement devoir crier à travers l'appartement, elle attendit qu'il l'ait rejointe au salon pour lui rendre la politesse.

- Et toi, le bureau ?

Non pas que cela l'intéressait vraiment, mais il fallait bien sauver les apparences. Depuis 3 semaines, c'était la première fois qu'elle croisait son mari, et elle s'était habituée à se passer de sa présence dans leur appartement. Cal l'avait quasiment déserté depuis la mort d'Ailsa, ce qui arrangeait grandement Abigail. Il était loin le temps où se séparer plus de deux jours leur était insupportable.

Ne prenant même pas la peine de lever les yeux de son dossier tandis que l'auror pénétrait dans le séjour, elle jouait distraitement avec une mèche de sa chevelure dorée, qui s'était échappée de son chignon un peu lâche.

- Tu as du courrier., commenta-t-elle en indiquant le bar qui servait de séparation entre le salon et la cuisine.

Poussant la valise de sa femme contre le mur où elle ne gênerait personne, Calum progressa en boitillant dans l’appartement et en serrant les dents. Il avait dit Tombouctou mais ça aurait tout aussi bien pu être Saigon ou Santiago del Chile, c’était égal.
Abigail travaillait encore mais elle était en tenue décontractée, entendez par là un pyjama de soie. Même après 10 ans de mariage elle s’efforçait de rester belle et de ne pas se laisser aller, mais ce n’était pas vraiment pour son époux … En tous cas celui-ci n’y prêtait pas attention pas plus qu’elle ne leva les yeux de ses parchemins pour les voir.

« Bien, pleins de boulot. » lui dit-il sans développer plus.

Elle n’en avait pas grand-chose à faire au fond, pourquoi se fatiguer ? Il alla vers la cuisine se prendre un verre tout en déroulant son courrier. Des nouvelles de son frère en Afrique du Sud … il lit la missive en diagonale puis reporta son attention sur sa femme qu’il voyait de trois quarts maintenant. Depuis la mort d’Ailsa, lui qui n’était pas le mari le plus affectueux et le plus expansif de la Grande Bretagne s’était complètement renfermé. Il aurait pu lui confier sa peine, s’effondrer devant elle, se réconforter dans ses bras le soir s’il n’avait pas su que sa douleur à elle était aussi immense. Il n’avait pas été là non plus au moment où elle aurait eu besoin de lui. Il avait même pire que de ne pas être présent, il l’avait évité pour ne pas s’infliger sa peine.

Il la regardait sans qu’elle ne le voit, Abigail O’Riain était une femme absolument sublime dont la beauté ne fânait pas avec les années. Au contraire, elle prenait en maturité et cela ne faisait que la rendre plus belle. Lui avait-elle manqué pendant son séjour ? Oui. Non. Pas vraiment. Disons que ses absences étaient courantes et qu’il avait fini par s’en accommoder mais là c’était à peine s’il avait remarqué qu’elle était partie. Il aurait pu être attristé de cette situation si elle avait elle-même manifesté quelque-chose mais ce n’était pas le cas.

Prenant son verre il vint s’assoir dans un fauteuil non loin du canapé et regarda le feu qui ronflait dans l’âtre semblant s’oublier dans la contemplation des flammes.

« Mais il semblerait que je l’ai retrouvé. Je suis presque sûr que c’est Lui. »

De qui parlait-il ? Du fumier qui avait tué Ailsa bien sûr, et grâce à Rayane, la petite nouvelle du service qui avait mis en lumière certains détails auxquels il n’avait pas pensé. Le sujet était sensible pour tous les deux, pour cette raison il était incapable de la regarder.

Calum McLean pouvait tenir le coup contre plusieurs mages noirs en même temps, mais il était incapable de voir les reproches dans le regard de son épouse.

Abigail n'avait pas l'intention d'accorder une attention démesurée à son mari, ses dossiers en demandaient une bien plus pressante. Et puis lui-même la délaissait pour son travail depuis des années, alors ce n'était pas comme si elle était la seule responsable de cette distance qui régnait dans leur relation. Elle ne fit donc aucun commentaire supplémentaire lorsqu'il s'assit dans un fauteuil non loin d'elle, jusqu'à ce qu'il annonce :

- Mais il semblerait que je l’ai retrouvé. Je suis presque sûr que c’est Lui.

Cela eut le mérite de détourner l'attention de la diplomate de son travail. Abigail releva les yeux de ses papiers et observa Cal qui, lui, évitait ostensiblement son regard. Elle savait pertinemment de quel sujet il parlait.

La mort d'Ailsa avait fait une véritable cassure dans ce couple qui n'était déjà pas des plus joyeux. La soeur de Cal était une amie proche d'Abigail, une des meilleures depuis Poudlard, c'était elle d'ailleurs qui avait été à l'origine de la rencontre des deux époux. Elle avait également été une des rares à soutenir leur mariage, qui avait attiré bien des critiques en raison de l'âge très jeune auquel ils l'avaient fait. Très prises par leur travail respectif, les deux femmes se voyaient beaucoup moins avant la mort d'Ailsa, mais il n'empêchait que ce drame avait profondément touché Abigail. Et alors que la douleur qu'ils partageaient aurait pu les rapprocher, elle avait encore plus éloigné Cal et Aby.

- Tu as preuves ?

Le ton d'Abigail était devenu froid. Elle en voulait à Cal, le tenant pour responsable en partie de la mort d'Ailsa. Son mari était bourré de défauts, mais s'il y avait bien une chose qu'elle lui reconnaissait, c'était qu'il était capable de protéger ses proches, c'était son rôle en tant que chef des Aurors...et il avait failli à cette tâche à Godric's Hollow !
Il avait fui leur domicile suite au drame, ne lui apportant aucun soutien dans sa peine...comment aurait-elle réagi s'il avait été là ? Elle n'aurait su le dire. Cependant, devoir se charger de soutenir sa belle-famille à la place de Cal avait aussi nourri sa rancune envers lui.

- Qui est-ce ?

La jeune femme avait besoin de savoir. Qui ? Qui leur avait enlevé la dernière personne qui les avait relié, mais surtout cette sorcière rousse qui lui était tout aussi chère qu'à Cal et dont elle portait encore le deuil.

L'affaire avait été compliquée, douloureuse. Elle avait causé de nombreuse nuits blanches de travail à se retourner les méninges pour savoir comment une telle chose avait été possible, comment pas moins de 5 personnes avaient pu voir Ailsa Campbell jeter le sortilège de torture à des civils ... Il avait d'abord chercher des témoignages qui iraient contre, sans succès. Puis il avait voulu prouver qu'une autre personne semblable à sa description avait été appréhendée, bref, l'auror s'était égaré sur de nombreuses pistes et avait perdu un temps précieux.
Jusqu'à l'arrestation hasardeuse d'un homme nommé Mulciber qui semblait doué d'une certaine aptitude pour jeter le sortilège de l'imperium. Une seule personne avait cru le voir jeter ce sort à Ailsa et cela avait suffit à Calum pour remonter la piste jusqu'à lui mais un simple témoignage ne constituait pas une preuve.

"Non." répondit-il sans parvenir à regarder Abigail.

Il sentait le regard de sa femme vriller sur lui. Jamais il ne lui avait fait part du cheminement de l'enquête, il avait gardé cela pour lui tout comme il avait gardé son chagrin ces dernières semaines.

"Mulciber."

Faire des phrases qui ne comportaient qu'un seul mot était devenu monnaie courante. Ne pouvant en dire plus, Calum se releva. Il n'avait pas envie de justifier pourquoi il n'en était que là, qu'est-ce qu'il attendait de plus pour traquer cet homme et lui faire payer, pourquoi ne l'avait-il toujours pas fait ? Bref, il n'avait pas envie de s'expliquer devant Abi, tout simplement. La tension était devenue insupportable, il fît ce qu'il faisait le mieux : fuir.

Il se dirigea vers la cuisine avec le projet d'aller manger quelque-chose mais il n'avait pas vraiment faim, c'était son corps qui réclamait de la nourriture. Son visage comme son coeur était fermé et ses yeux semblaient regarder ailleurs si bien qu'il buta dans une chaise sur son passage.

Abigail ne lâchait pas son mari du regard, se demandant si enfin il oserait l'affronter après toutes ces semaines. Mais c'était de Cal dont on parlait, le plus grand fuyard d'Angleterre lorsqu'il fallait affronter ses erreurs relationnelles !
Lorsqu'il répondit par la négative concernant les preuves, elle eut envie de lui jeter son dossier à la tête. C'était bien joli de l'avoir trouvé, mais sans preuves, cela ne servait à rien, il ne serait jamais appréhendé ! Aby n'avait aucune idée du stade où en était l'enquête, Cal n'ayant pas partagé cela avec elle - ni quoi que ce soit d'autre depuis quelques temps -, tout ce qu'elle voyait c'était que cela faisait bientôt 1 mois et que le meurtrier courait toujours.

Mulciber ? Ce nom ne lui disait rien. Probablement un sbire insignifiant de Voldemort.
Aby n'eut pas le temps de faire le moindre commentaire, car Cal s'était déjà levé pour se diriger vers la cuisine. Ah non ! Maintenant qu'elle l'avait sous la main, elle n'allait pas le lâcher, il lui devait trois semaines d'explications ! D'un geste rageur, elle posa ses dossiers sur le canapé et se releva pour le suivre. Tandis qu'il trébuchait sur une chaise, elle eut un soupir excédé. Elle aurait pu avoir pitié de lui, reconnaître sa douleur et son épuisement, tenter de l'en alléger par des paroles et des gestes comme autrefois...mais non. Tout ce qu'elle éprouvait pour Cal en cet instant c'était de la colère et de la rancoeur.

- Qu'est-ce que tu attends, alors ? persifla-t-elle, Jusqu'à quand ton service va-t-il faire étalage de son incompétence ?

Aby disait "le service", mais elle aurait tout aussi bien pu dire "Cal", car en tant que chef des aurors, le service c'était lui en quelques sortes...et sur cette affaire, elle se doutait bien qu'il avait dû travailler seul.
Elle était planté dans la cuisine, les bras croisés, l'accusant toujours de ses grands yeux bleus, les lèvres pincées. La tension montait et menaçait d'exploser entre les deux sorciers ; ils avaient tellement de choses sur le coeur qu'ils ne se disaient pas, que contenir le déchaînement devenait de plus en plus dur.

Sitôt qu'il fût levé elle le suivi. Calum soupira d'agacement, pesta contre cette chaise qui n'était pas correctement rangée sous la table et fît l'erreur d'aller dans leur cuisine où il était complètement acculé. Au lieu de prendre à manger comme il l'avait prévu, il se fît couler un verre d'eau en se concentrant de manière exagérée sur le robinet. Il pouvait presque sentir les lames du regard d'Abigail lui transpercer la peau et des lances lui percer les tympans.

- Qu'est-ce que tu attends, alors ? persifla-t-elle, Jusqu'à quand ton service va-t-il faire étalage de son incompétence ?

Alors qu'il buvait, il reposa son verre si violemment qu'il se fracassa contre le plan de travail. Seul ce geste avait trahi sa nervosité alors que Calum était justement réputé pour avoir un flegme à toute épreuve.
La respiration courte, il répara son verre d'un coup de baguette magique et enfin parvint à regarder sa femme dans les yeux.

"Je n'ai qu'un témoignage, ça ne suffit pas pour établir un mandat d'arrêt. Y a des lois aussi dans ce pays !"

La tension était palpable, on pouvait presque voir des étincelles entre eux. La manière dont elle dénigrait son travail l'agaçait.

"Plusieurs personne ont perdu la vie ce jour-là. Mes gars sont débordés par les enquêtes, les pistes partent dans tous les sens, on a même du recruter deux personnes qui n'ont aucune compétences pour nous aider parce que nous manquons de monde. Je me ruine la santé toutes les nuits depuis un mois pour rechercher l'ordure qui l'a tuée ... Qu'est-ce que tu crois bon sang ? Qu'on fait sauter des crêpes ? Pardon mais c'est autre chose que du simple travail administratif ..."

Pourtant, depuis le début, c'était lui qui minimisait sa douleur, il l'avait chargée sans le vouloir de la peine qu'ils auraient pu avoir à deux. Mais c'était comme si la mort de la personne qui les avait rassemblé avait fini de les séparer.

La main qui tenait sa baguette tremblait. Il étouffait déjà dans leur appartement, il avait besoin d'air, de sortir et de lui échapper mais Aby lui barrait le passage.

"Laisse moi passer." lui ordonna t-il.

[HJ soundtrack : https://www.youtube.com/watch?v=v6ziKuWe5BE&index=2&list=PL493TQZToFwGtwMh1_9Y_nuralywpdQ45 ]

La tension avait atteint un tel degré dans ce couple qu'ils en venaient à se lancer des salves d'insultes à peine masquées. Calum brisa un verre, lui qui d'ordinaire ne perdait que rarement son calme. Mais sa femme savait mieux que personne toucher là où ça faisait mal pour le faire sortir de ses gonds et l'ébranler. En 12 ans de mariage, vous avez le temps de découvrir toutes les faiblesses d'une personne, de les haïr, puis de les utiliser contre elle. Cependant, en cet instant, Aby ne calculait rien, elle laissait juste toute la colère accumulée contre lui s'épancher.

Enfin, - enfin ! - il la regarda dans les yeux ! Ils s'affrontèrent du regard, leurs corps tendus comme prêts à attaquer, un observateur externe aurait pu croire voir deux bêtes féroces sur le point de se sauter à la gorge.

- Du trav...DU TRAVAIL ADMINISTRATIF ?

Cal avait versé la goutte d'eau qui faisait déborder le vase. Abigail savait très bien que cette remarque était une attaque lui étant directement destinée ; son mari ne cachait pas son mépris pour tout autre département que le sien.

- Pour qui tu te prends ?! Tu crois peut-être que je passe mes journées à signer des papiers en buvant du champagne lors de dîners d'affaires ?

Elle l'avait attaqué la première sur son travail, mais ne supportait pas que lui fasse de même, car elle était particulièrement fière de ce qu'elle faisait. De toute manière, il ne s'intéressait plus à elle depuis un moment, alors comment aurait-il pu savoir tout ce qu'elle accomplissait au quotidien ?

Calum tenta de passer, mais Abigail était trop en colère pour le laisser s'enfuir une nouvelle fois.

- Non ! répliqua-t-elle.

La jeune femme le repoussa en arrière en appuyant vivement ses mains sur son torse. Elle aussi perdait rarement son sang-froid, préférant garder la totale maîtrise de toute situation, mais avec Cal c'était différent...et surtout, le sujet abordé la touchait tellement qu'elle ne pouvait revêtir le masque de supériorité qu'elle arborait quand une situation la contrariait.

- Tu penses que j'ai eu la partie facile, à devoir soutenir TA famille, organiser le rapatriement du corps et les funérailles de TA sœur...pendant que toi tu te cachais la queue entre les jambes dans ton bureau !

Abigail déversait toute sa rage, crevant enfin l'abcès. Ce n'était plus des étincelles, mais un véritable incendie qui s'était déclaré entre eux.
Au fond, Aby avait détesté se sentir mise de côté par son mari durant son enquête, comme si elle n'était bonne qu'à tendre des mouchoirs et consoler les pleurs. Avec ses relations, elle aurait pu l'aider, faire des recherches de son côté...mais il ne le lui avait jamais demandé, se murant dans un silence taciturne et évitant même sa présence.

- Tu te ruines la santé, hein ? Pauvre chou ! cracha-t-elle d'un ton de dédain.

La sorcière s'était laissée envahir par sa colère à tel point qu'elle ne pouvait plus la contenir désormais. 3 semaines qu'elle en voulait silencieusement à Cal, 3 semaines qu'elle avait passées à ruminer contre son époux. Il fallait bien que cela finisse par sortir.
Ils étaient à nouveau séparés de quelques pas. Aby s'empara du verre que Calum venait de réparer et le lui lança à la figure, l'envoyant s'écraser contre le mur derrière son époux.

- Tout ça ne serait pas arrivé si tu avais fait ton job correctement, SI TU L'AVAIS PROTÉGÉE !

L'injustice dont faisait preuve Abigail dans son ressentiment était à la hauteur de la peine d'avoir perdu sa sœur de cœur.

Ce que faisait Aby de ses journées ne l'intéressait pas outre mesure. Il savait grosso modo qu'elle faisait pas mal de choses à l'étranger et qu'elle participait à beaucoup de repas, de dîners, de cocktails ... et lui n'avait toujours eu que du mépris pour la bureaucratie. Elle n'échappait pas à cette règle.
Il voulu passer, elle le poussa pour le retrancher un peu plus dans la pièce. Cela constituait le premier contact physique qu'il avait pu avoir avec elle depuis 3 semaines.
Il reçut ensuite la salve de ses paroles, plusieurs fois il voulu l'interrompre mais elle ne lui en laissa pas la possibilité. Jamais il n'avait vu Abigail dans une telle colère, et jamais il ne s'était autant senti en colère lui-même. Comme si toute la tension qu'il avait ressentie depuis la mort d'Ailsa sortait enfin.

Elle prit alors le verre qu'il avait posé et le lança, il l'évita de justesse. Ces dernières paroles firent mouche et atteignirent le chef des Aurors droit au coeur.
Il fallait absolument qu'il dirige sa colère contre autre chose que sa femme, c'est pourquoi il fracassa le premier objet qui lui tomba sous la main, une coupe de fruits en faïence. Mais ce geste n'eut pas l'effet escompté, la violence n'avait fait que redoubler et revenait semblable à un raz-de-marée.

"Je ne me retranchais pas ! Et j'ai tout fait pour la protéger, c'est pour ça qu'elle était à Godric's Hollow ce jour-là et non à Aberdeen ... Mais tu ne sais rien ! Tu ne sais rien du tout !"

Il s'approcha d'elle en réduisant la distance qui les séparait.

"Tu as idée du nombre de lettres, des menaces de mort qu'on reçoit tous les jours ? Des lettres dans lesquelles nos familles, nos femmes et nos enfants en plus de nous-même sommes la cible. Tu savais qu'un groupe d'activistes a été appréhendé à Aberdeen dans les jours qui ont précédé sa mission là-bas ? On a fait en sorte qu'elle reste n'y soit pas pour la protéger, mais cette attaque nous a tous pris par surprise ! Même Dumbledore lui-même ne s'y attendait pas !!!"

Il finit par l'écarter sans trop de difficultés et sortir de cette pièce qui commençait à l'oppresser.

"Alors je vais te dire, oui, que pendant que vous pleuriez tous, il a fallu que je retrouve une centaine de personnes, que je les interroge, que je croise leurs témoignages, tout ça sur mon temps personnel parce qu'aucune enquête n'a été ouverte sur un meurtre en particulier dans le cadre de cette journée. "

La voix de Calum commençait à se briser. Il n'avait pas eu les autorisations nécessaires pour faire les investigations qu'il voulait et avait du les faire lui-même en raison du caractère exceptionnel des évènements de Godric's Hollow. Il leur fallait retrouver tous les Mangemorts. Lui voulait retrouver celui qui l'avait tuée en particulier.

"Ailsa ... Avant de mourir, cinq témoins l'ont vue lancer un sortilège de mort à une adolescente. Ce Mangemort, Mulciber, est réputé pour faire usage de l'Imperium pour commettre des crimes à sa place. Je veux le retrouver, lui prendre sa baguette, prouver que c'est lui qui lui a jeté ce sort ! Et probablement qu'il l'a tuée ensuite ... Mais si je le retrouve ! Bon sang ... Si je le retrouve !"

Il tremblait tant il était proche de son point de rupture. Ce besoin de se justifier à Aby l'avait poussé à lui délivrer tout ce qui s'était passé depuis un mois, il ne supportait pas ses reproches en temps normal. Qu'elle croit qu'il n'avait rien fait pendant un mois était proprement insupportable.
Finalement il explosa enfin.

"JE LE TUE !!!"

Après ces paroles il finit par fuir à nouveau le regard de sa femme qui venait de le pousser dans ses retranchement. Il appuya son poing contre son front en tentant de réprimer des larmes, en vain.

"5." dit-il sans transition.

"C'est le nombre de menaces de mort que j'ai reçu à ton encontre."

Il leva à nouveau les yeux sur elle, elle avait fini de le mettre à nu. Cal était proprement dévasté et cela se voyait, comme si ce mois de travail enfin pesait sur lui.
Il se démenait vraiment pour protéger les gens qu'il y avait autour de lui et parfois il y avait des ratés.

"Et t'es en vie."

Mais pas Ailsa. Ils étaient tous encore en vie mais pas sa soeur tant aimée. Le chef des Aurors finit par tourner la tête et essuya ses yeux, rageur.

"Elle me manque tellement !" dit-il pour lui-même.

Mais c'était les premières larmes qu'il versait depuis la mort de sa cadette, et les plus douloureuse. La mort d'Ailsa avait laissé un vide dans sa vie qui se faisait de plus en plus ressentir.

[HJ soundtrack : https://www.youtube.com/watch?v=lCGlIjLT8OQ&index=11&list=RDMgJghykl8SI ]

Si Abigail se montrait injuste envers Calum, lui n'était pas en reste non plus. La mauvaise foi dont il faisait preuve en l'accusant de ne rien savoir et de pleurer pendant que lui se démenait lui coupa la parole d'indignation. Elle ne jeta même pas un regard à la coupe qu'il avait brisée alors qu'il la poussait pour retourner au salon. La jeune femme n'hésita pas une seconde et le suivit, mais devoir ainsi le poursuivre dans l'appartement l'irritait encore plus.

- Dumbledore par-ci, Dumbledore par-là...lui et toi, vous êtes tout aussi aveugle l'un que l'autre ! Je te l'ai déjà dit, c'était un acte suicidaire de créer votre foutu Ordre ! Ne t'étonne pas de recevoir des menaces après ça ! Un vrai appel au meurtre.

La création de l'Ordre du Phénix avait été un sujet de discorde majeur entre les deux époux. Abigail estimait qu'il fallait être fou ou totalement idiot pour se lancer dans une entreprise pareille, et elle avait mis un point d'honneur à en rester aussi éloignée que possible. Elle savait que Cal lui en voulait toujours probablement pour cela, mais elle n'avait aucune intention de risquer sa peau bêtement.

Toutefois, les révélations de l'auror sur le meurtre d'Ailsa lui coupèrent le souffle. Impossible ! L'idée même que son amie avait pu être soupçonnée d'avoir tuer cette adolescente la révulsait. Le mangemort devait payer, aucune peine ne serait assez lourde pour punir son geste ; c'était le seul point sur lequel Aby et Cal semblaient s'accorder : ils désiraient tout autant l'un que l'autre la mort de cet individu.

- 5. C'est le nombre de menaces de mort que j'ai reçu à ton encontre.

Elle ouvrit la bouche pour lui répondre vertement, mais le regard que Cal jeta sur elle fit s'évanouir les paroles au bord de ses lèvres. Jamais Aby ne l'avait vu aussi accablé, et il semblait porter le poids du monde entier sur ses épaules. Un nouveau sentiment d'injustice l'étreignit : parce qu'il croyait peut-être qu'elle n'avait pas ses propres ennemis ? Que son travail était des plus sûrs ? Au contraire, Aby mettait un soin tout particulier dans ses missions diplomatiques à l'étranger car elle savait qu'elle pouvait s'y faire des ennemis dangereux.

- Et t'es en vie.

Dans la bouche de Cal, cela sonnait comme une accusation. Les paroles de l'homme touchèrent Abigail plus profondément qu'elle ne voudrait jamais le montrer. C'était ce qu'il lui avait promis en l'épousant, de toujours la protéger ainsi que ceux qu'ils chérissaient, et elle avait la soudaine impression qu'en plus d'avoir failli à sa tâche, il lui reprochait d'être toujours vivante alors qu'Ailsa avait succombé.

- Tu aurais préféré que je meurs à sa place ?

Abigail ne criait plus, mais ses paroles n'en étaient pas moins dévastatrices. Elle ne l'avait pas dit pour le provoquer ni le mettre hors de lui, elle avait posé cette question qui derrière exprimait le coeur de leur conflit : avaient-ils encore la moindre trace d'amour l'un pour l'autre ?

Calum s'était retourné pour cacher des larmes que la diplomate avait bien vues, malgré que ses propres yeux soient embués. Elle se laissa aller à s'appuyer contre le mur derrière elle et prit son visage dans ses mains, laissant s'échapper des sanglots qu'elle refusait tout autant de lui montrer. Contrairement à ce qu'il croyait, elle n'avait pas pleuré non plus jusque-là : elle n'en avait pas eu le droit, elle avait dû être forte pour les autres qui avaient fait peser sur elle le poids de leur propre chagrin.

Cal' ne répondit pas à sa femme. Elle lui avait déjà largement exposé son opinion au sujet de l'Ordre du Phénix et cela n'avait donné lieu qu'à des débats stériles et sans fin. Lui, comme le directeur de l'école de Magie, pensait que l'union faisait la force et qu'il n'y avait pas d'autre alternative que celle-ci. Seulement, le Seigneur des Ténèbres faisait régner la terreur sur les sorciers de Grande Bretagne et avait commencé à les diviser. Il y avait ceux, comme lui, qui se battaient. Ceux comme Abigail qui continuaient à vivre et évoluer dans cet environnement politique instable, et ceux qui basculaient du mauvais côté. La troisième force était tout autant la cible de Lord Voldemort que les gens qui s'étaient positionné ouvertement contre lui ... Ce que Calum savait mieux que personne c'était qu'il n'y avait aucune demi mesure dans ce conflit et qu'on était obligé d'y prendre partie ... L'ennemi ne vous laissait pas le choix.

Proche du gouffre il s'était détourné d'elle. Depuis la mort de sa soeur, Calum avait l'impression que son coeur était mort, mais les dernière paroles d'Abi lui rappelèrent douloureusement qu'il était encore en vie.

- Tu aurais préféré que je meurs à sa place ?

Elle avait pourtant prononcé ses mots sans crier et c'était ceux qui l'avaient le plus touché.

"Dit pas ces putains de ..."

Mais la diplomate avait flanché et son corps était secoué de sanglots, son visage caché derrière ses mains. Calum réalisé à ce moment-là l'ampleur de la violence de son attitude et spécialement à son encontre. Dans son chagrin il avait minimisé celui d'Aby, il lui avait imposé de porter beaucoup trop de choses. Ils avaient beau s'être hurlé dessus plusieurs fois et s'être dit les pires horreurs, jamais encore il ne l'avait fait pleuré et il se sentit horriblement honteux.

Depuis combien de temps avait-il cessé de chercher du réconfort entre ses bras ? Depuis quand ne lui avait-il pas offert son soutien ? Et surtout depuis combien de temps avait-elle cessé de croire en lui ? Il la regardait complètement abasourdi, puis sans prendre la peine de réfléchir ou d'essuyer ses propres larmes, juste parce qu'il avait senti qu'elle en avait autant besoin que lui, il s'approcha d'elle et la prit dans ses bras.

Ce faisant, il essaya de se souvenir de la dernière fois qu'il avait serré ce corps contre lui, depuis combien de temps il n'avait pas senti ses formes épouser les siennes et réalisa qu'ils étaient encore bien plus éloigné qu'il ne l'avait cru ... Il avait fallu qu'il la retrouve dans son chagrin le plus profond mais tout était brisé depuis longtemps. Maintenant la tête d'Aby contre lui il posa sa joue sur le haut de son crâne et caressa ses cheveux en lui permettant de s'épancher entre ses bras pendant que lui-même s'autorisait ce moment de faiblesse.

"Non ..." dit-il quand il pu parler à nouveau.

"J'aurais simplement voulu qu'elle soit là dans notre salon à boire un verre pendant que ses saletés de gamins auraient changé la couleur de la tapisserie du couloir. Tu serais rentrée, et ils t'auraient sauté dessus tous les deux. Elle ne les aurait pas grondé, elle les auraient rejoint, vous vous seriez écroulé tous les quatre en riant."

Repenser à ça ne fit qu'augmenter l'intensité de sa peine et il serra encore Abigail contre lui.

"Aby, je suis tellement désolé."

Jamais il n'avait été aussi sincère mais il savait que cette confession n'excuserait en rien son attitude.

[HJ soundtrack : https://www.youtube.com/watch?v=MYnPMbsjgN4 ]

Comment reprendre le dessus quand la douleur vous submerge ? Abigail avait l'impression de ne plus savoir... étonnement ce fut Calum qui lui donna la réponse.
Elle se sentit doucement décollée du mur tandis qu'il la prenait dans ses bras, la serrant contre lui dans un geste qu'ils avaient presque oublié tous deux. Un instant, la diplomate faillit le repousser par automatisme, mais elle n'en eut pas la force et finalement s'abandonna à cette étreinte, enlaçant Cal de ses bras.
Aby ne se souvenait même plus de la dernière fois où ils avaient été aussi proches. Si la douleur les avait séparés encore plus, ce soir-là ils avaient besoin l'un comme l'autre de se retrouver au moins un moment, de tenter de se soutenir comme ils ne l'avaient pas fait jusque-là. Elle oublia pour un temps le ressentiment et le mépris qu'elle lui portait habituellement, elle laissait revenir à elle un reste de cette tendresse qui les avait autrefois liés.

La jeune femme sentit Calum mouiller ses cheveux des mêmes larmes qu'elle laissait couler. Elle n'avait jamais vu son mari pleurer, mais elle réalisa qu'il était tout aussi submergé et ne venait pas seulement lui donner du réconfort, mais également en chercher auprès d'elle.
Les souvenirs qu'il murmura doucement brisèrent le coeur d'Abigail, et elle s'accrocha d'autant plus à la chemise de Cal.

- Arrête, tais-toi... souffla-t-elle d'une voix à peine audible.

Savoir qu'elle ne vivrait plus ce genre d'instants de joie simple avec Ailsa lui était tout bonnement insoutenable, tout comme l'idée que son neveu et sa nièce étaient désormais orphelins d'une mère merveilleuse.

- Aby, je suis tellement désolé.

La jeune femme ne s'attendait pas aux excuses de son époux, qui arrivaient bien trop tard malheureusement, et elle fut incapable d'y répondre...par des mots du moins.
Abigail détacha lentement ses bras de Cal et releva la tête vers lui, mais ne s'en éloigna pas pour autant. Elle prit délicatement le visage de son mari dans ses mains et pressa ses lèvres contre les siennes dans un baiser d'une grande douceur.
Son coeur ne battait plus la chamade comme aux premiers temps, mais elle avait eu besoin de combler, physiquement au moins, la distance qui s'était creusée dans leur relation. Lorsque leurs lèvres se détachèrent, elle essuya délicatement de son doigt la trace d'une larme sur la joue de Cal, se rendant compte par ce geste que ses joues s'étaient légèrement creusées.

- Depuis quand n'as-tu pas pris de vrai repas ?

La voix d'Aby était toujours douloureuse, mais la jeune femme avait cessé de pleurer.

Il la sentit d'abord lui résister mais ne se dégonfla pas pour autant et entoura son corps mince de ses bras. Aby lui paraissait si fragile ce soir, il avait oublié que c'était justement cette fragilité apparente qui l'avait séduit d'abord chez elle. Et puis l'éclat de son rire, qu'il n'avait pas eu l'occasion d'entendre depuis des semaines, des mois peut-être. Elle lui intima le silence, il le respecta. Evoquer ses souvenirs ne faisaient que rendre leur peine plus concrète. Il la sentit s'accrocher à lui encore et il resserra d'avantage son étreinte. Celle qui autrefois avait été sa Précieuse et qu'il continuait à protéger envers et contre tout malgré les pieds de nez qu'elle lui faisait quand elle lui parlait de l'Ordre du Phénix. L'amour était encore là d'une certaine manière. Il était présent par cette simple forme d'attachement qui l'empêchait de faire voler son mariage en éclat à l'instar de la coupe qu'il avait brisée d'un revers un instant plus tôt.

Elle se détacha de lui et il desserra son étreinte sans pour autant retirer ses mains de son dos. Quand elle posa ses mains sur son visage, il tenta de se rappeler avec quelle tendresse il caressait ses joues autrefois. Quand elle posa ses lèvres contre les siennes, il fût triste de ne plus ressentir le feu sacré qui le dévorait dès lors qu'ils partageaient un tel moment de tendresse et qui le rendait insatiable. Tout ça était mort, mais il n'était pas près encore à l'accepter.

Mais il était indéniable que ce contact privilégié avec sa femme lui faisait du bien comme sentir son corps contre le sien.

S'inquiétait-elle pour lui quand elle lui demanda depuis combien de temps il n'avait pas pris de vrai repas ?

"Je ne sais pas, l'année dernière peut-être."

A son tour, il essuya les traînées salées que les larmes avaient laissé sur les joues d'Abigail. Doucement, il retira une à une les épingles de son chignon pour laisser courir sur ses épaules sa chevelure couleur des blés, dans laquelle il passa ses doigts.
Cela faisait tellement longtemps qu'il n'avait pas contemplé son visage qu'il avait oublié à quel point elle était belle. Il aurait pu lui dire, cela faisait tellement longtemps qu'il n'avait pas eu de mots tendre pour elle. Mais à la place il embrassa délicatement le coin de ses lèvres puis son cou tout en dénudant son épaule de l'étoffe de soie qui la recouvrait. Avant d'aller plus loin il lui offrit encore une étreinte tendre.

Ce n'était pas un désir brûlant qui lui dictait ses actions. C'était surtout le besoin de la sentir près de lui et de lui offrir son affection.

Etait-ce de l'intérêt qu'Abigail avait manifesté en posant sa question ? Plutôt un élan de curiosité. Au temps de leur bonheur conjugal, Aby prenait soin de Cal d'une certaine façon et s'inquiétait pour sa santé, mais désormais elle le laissait se débrouiller seul. De toute manière, la réponse de son époux coupa court à la discussion.

Lorsqu'il entreprit de libérer ses cheveux, la diplomate se rappela de la première fois où il avait fait ce même geste, le jour de leur mariage. Toutefois, il lui semblait que ce soir-là il n'y mettait plus la même ferveur.
Abigail ferma les yeux pendant que les lèvres de Calum descendaient le long de son cou jusqu'à son épaule. Elle ne put s'empêcher de comparer avec les baisers brûlants de Livio, les caresses impatientes de Stanislav, ou mêmes les frôlements sensuels de Thomas... Tous donnaient à la jeune femme le sentiment d'être désirée ardemment. Son mari, quant à lui, semblait agir tel un automate sans aucun transport. La diplomate était attirée par la passion, le feu, l'exaltation...et non la tiédeur des mouvements de Cal à son égard. Avait-il vraiment envie d'elle en cet instant d'ailleurs ? Elle en doutait fortement.

Aussi, même si elle avait commencé par se laisser aller et l'enlacer, Aby finit par s'éloigner doucement de Cal avant qu'il ne reprenne le cours de ses baisers. Oui, il l'avait serrée tendrement contre lui...oui, il l'embrassait, après des semaines passées sans qu'ils ne se soient touchés....et oui, il l'aimait sûrement toujours... Mais Abigail avait l'impression qu'il se forçait, que c'était plus une habitude qui les menait sur ce chemin qu'un réel désir, et qu'au fond Cal n'en avait pas plus envie qu'elle.
La belle sorcière embrassa malgré tout les lèvres de l'Auror et caressa sa joue encore une fois avant de se détacher de lui. Cal lui avait offert ce soutien dont il l'avait cruellement privée jusque-là, cela calmait donc au moins pour un moment la rancoeur généralisée de la jeune femme à son encontre.

- J'ai besoin de dormir, et toi aussi. Allons nous coucher., dit-elle doucement.

Abigail n'avait pas envie de rejoindre un lit vide ce soir-là, elle voulait sentir son mari contre elle même si cela restait platonique. Il lui offrait une affection qu'elle ne souhaitait pas refuser pour cette fois, et lui-même semblait chercher une pause dans leur perpétuelle guerre froide. Un instant de répit ensemble.

Allongé dans leur lit conjugal, sa femme dans ses bras comme à chaque nuit autrefois, Calum ne parvenait pas à trouver le sommeil. Son cerveau était en branle et tissait mille et une connexions sur les rapports des enquêtes, les diverses possibilités, les choses qu'il n'avait pas envisagées. A cela, venaient s'ajouter les paroles d'Abigail qui tournaient dans sa tête.

"Tu aurais préféré que je meurs à sa place ?"

Il la serra un peu plus dans ses bras.

La nuit était plus propice à la réflexion mais il s'efforça tout de même de rester près d'elle, au moins le temps qu'elle s'endorme mais cela n'arriva pas. Elle semblait en proie au même genre d'insomnie que lui. Sans trop y penser, il caressait sa nuque, un geste qui autrefois l'apaisait en guettant le moment où sa respiration deviendrait calme et régulière – ce qui l'apaisait lui, mais cela n'arriva pas.

Cette fois ce n'était même pas l'enquête et le meurtre d'Ailsa qui générait le plus d'activité cérébrale ... c'était l'état de son couple. Comment avait-il pu laisser les choses se dégrader à ce point ? Il avait sincèrement aimé Aby au point même de la convaincre de l'épouser dès sa sortie de Poudlard envers et contre l'avis de leurs deux familles parce qu'ils étaient tous les deux très jeunes.
Il y avait eu cette période heureuse durant laquelle il ne supportait pas d'être séparé d'elle plus de 24 heures. Il y avait eu le temps béni où elle seule comptait.
Et puis ensuite ? Le travail, leurs carrières, l'Ordre du Phénix, un désintérêts mutuel, un enchaînement de déceptions.

Mais si la flamme avait disparu, l'amour était encore là. Si Abigail était tuée où enlevée, il serait dévasté et il en avait parfaitement conscience. Le coup de couteau qu'il avait ressenti dans son coeur quand elle lui avait demandé s'il aurait préféré qu'elle meurt à la place d'Ailsa en témoignait.

Il faisait jour quand Cal' s'endormit enfin, terrassé par la fatigue.

[Soundtrack, juste pour la musique : https://www.youtube.com/watch?v=iEPorzJd-Ek&index=12&list=PLx0hmihIkZOGYntKwYkaaeCm1x4ci8V4x ]

Abigail fut soulagée que Calum vienne se coucher avec elle et ne retourne pas à son enquête, comme cela aurait certainement dû être le cas. Allongée au creux de ses bras, elle tenta vainement de trouver le sommeil. Habituellement, la jeune femme était peu sujette aux insomnies, et les caresses de Cal sur sa nuque avaient autrefois eu le pouvoir d’apaiser tous ses tourments, mais ce soir-là elle était incapable de mettre son esprit au repos.
Elle repensait à ce qu’il lui avait avoué du meurtre d’Ailsa, des témoignages, de l’Imperium, de ce mangemort… Mulciber, elle retint le nom et se décida à se renseigner de son côté dès le lendemain. La diplomate avait assez de relations un peu partout, elle finirait bien par découvrir une bribe d’information quelque part…il le fallait, elle ne pouvait pas rester comme ça à attendre les bras ballants que Cal débusque ce salop !

Sans savoir, les deux époux partageaient les mêmes sombres pensées : leur mariage était en plein naufrage. Alors que jusque-là cela avait généré en elle de la déception mais surtout un mépris sans fond pour Cal, ce soir-là Abigail se demandait s’ils auraient pu éviter à leur relation d’en arriver là. S’ils auraient pu continuer à être heureux ensemble.
Elle qui avait été follement amoureuse de cet homme, que ressentait-elle encore pour lui désormais ? Son attachement pour lui semblait n’être plus que l’ombre de ce qu’il avait été autrefois, elle avait même pensé un moment ne plus avoir aucun amour pour lui, mais cette conviction venait d’être ébranlée. Elle retrouvait un peu de ce sentiment de protection qu’elle avait jadis ressenti à chaque fois qu’il la prenait dans ses bras ; ils s’étaient éloignés, ils ne se supportaient plus que difficilement, mais au fond toute tendresse n’avait pas disparue du cœur de la sorcière. Oui, au fond, il lui restait un semblant d’amour pour son époux, un vieux sentiment encré quelque part et qui rechignait à disparaître. Sinon, pourquoi lui en aurait-elle autant voulu ? Cependant, cela suffirait-il à changer quelque chose à leur situation ?

Aux premières lueurs de l’aube, Abigail finit par s’endormir, épuisée par les événements et toutes ses émotions violemment mises à nue.